Olympisme
Sion 2026 cherche à franchir le «Röstigraben».
La candidature valdo-valaisanne se donne une dimension nationale afin de séduire des instances très alémaniques.
Article: Ugo Curty
«Les Jeux au coeur de la Suisse». Le slogan de Sion 2026 résume les aspirations fédératrices du dossier romand pour l’organisation des Jeux olympiques d’hiver. En concurrence avec la candidature grisonne, les Romands devront ces prochaines semaines convaincre Swiss Olympic, dont le Comité exécutif est composé à près de 90% de germanophones.
La sous-représentativité des Romands dans les étages décisionnels du sport suisse pourrait être un obstacle de taille pour le projet valdo-valaisan. Président du comité d’organisation, Jean-Philippe Rochat est conscient de cette problématique. «Notre candidature ne pourra passer que si la Suisse alémanique prend conscience de notre volonté d’inclure tout le pays.»
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les trois coups de Sion 2026 ont été officiellement donnés le 20 janvier dernier sur la place Fédérale plutôt que sur les bords du Rhône. «C’était clairement le moyen de franchir un nouveau pas dans cette volonté de démontrer que notre projet a une vocation nationale, souligne Jean-Philippe Rochat. Nous ne voulons pas avoir les Jeux, mais les partager.»
Arrivé à la tête de Swiss Olympic début 2017, le nouveau président Jürg Stahl se veut au-dessus des clivages linguistiques. «Nous représentons le sport suisse dans son ensemble, pas une région en particulier, résume-t-il. C’est une décision tellement importante que les affinités personnelles ne doivent avoir aucune influence. Le choix ne se fera pas au niveau des émotions. Au final, seule la qualité réelle des candidatures fera la différence.»
Votation décisive
Dans un passé récent, les Romands sont d’ailleurs parvenus à convaincre Swiss Olympic de la qualité de leurs projets. Le choix de Lausanne (aux dépens de Lucerne) pour porter la candidature suisse aux Jeux olympiques de la Jeunesse 2020 en est le meilleur exemple.
Chef du Service des sports à l’Etat de Vaud, Nicolas Imhof avait été impliqué de près dans cette campagne victorieuse. «Nous nous étions volontairement appuyés sur des personnes parlant allemand et/ou anglais, explique-t-il. Mais notre stratégie n’était pas uniquement axée là-dessus. L’important reste de mettre en avant les points forts du dossier. Je ne doute pas que le Comité exécutif aura la même honnêteté intellectuelle envers Sion 2026.»
Plus que la sous-représentativité romande, c’est finalement le peuple grison qui pourrait faire basculer ce bras de fer. En effet, la population grisonne est appelée aux urnes le 12 février pour se prononcer sur un crédit d’étude. Un nouveau «non», quatre ans après celui de 2013, laisserait le champ libre à la candidature romande. Un «oui» mettrait la pression sur Sion 2026.
Le sport suisse en mains alémaniques
Affirmer que le Comité exécutif de Swiss Olympic a un fort accent alémanique est un euphémisme. Sur les 15 membres qui le constituent, seuls les deux Neuchâtelois Anne-Sylvie Monnet (Swiss Volley) et Denis Oswald (représentant du CIO) ne sont pas germanophones.
En novembre dernier, trois nouveaux candidats romands s’étaient pourtant présentés aux élections quadriennales de l’organe décisionnel. Mais les Vaudois Giancarlo Sergi (basketball) et Vincent Hagin (voile), ainsi que la Genevoise Céline Amaudruz (sports équestres) n’ont pas trouvé grâce devant le parlement du sport. «Une représentativité de la population au sein de Swiss Olympic est nécessaire, souligne Giancarlo Sergi, qui avait présenté sa candidature en allemand pour augmenter ses chances. Rien ne justifie cette situation.»
Les fédérations votent surtout de manière stratégique afin de défendre au mieux leurs intérêts. Si résumer le phénomène à un clivage Romands-Alémaniques serait une erreur, cette domination alémanique pose tout de même des questions. Président de Swiss Olympic depuis le début de l’année, Jürg Stahl regrette cette situation. «Nous avons révisé les statuts pour que les minorités soient mieux prises en compte. J’espère faire avancer les choses grâce à mes contacts privilégiés avec la Romandie et le Tessin.»
Réélue à son poste, Anne-Sylvie Monnet, seule femme au Comité exécutif entre 2012 et 2015, porte un regard lucide sur la question: «La composition denotre Comité est représentative des instances du sport suisse tel qu’elles sont aujourd’hui, constate-t-elle. Très peu de femmes et de francophones sont présents dans les sphères dirigeantes. La prédominance de l’allemand est souvent un frein.»
Ancien vice-président de Swiss-Ski, le Lausannois Jean-Philippe Rochat déplore le manque d’engagement romand. «La faute ne revient pas aux Alémaniques qui voudraient tout s’accaparer, analyse-t-il. Les Romands sont les seuls responsables.»